L’avocat général de la CJUE tente d'ouvrir une brèche permettant de contourner la réglementation OGM
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Une telle exemption ouvrirait une importante brèche permettant à un grand nombre de nouveaux OGM d'envahir le marché, les champs et les assiettes sans aucune évaluation, ni étiquetage, ni suivi. Toutes les techniques de mutagenèse dirigée et autres « nouvelles techniques génomiques » sont en effet appliquées sur des cellules isolées et multipliées in vitro au laboratoire. Si une seule de ces techniques cellulaires est exemptée, les obtenteurs souhaitant échapper à la réglementation OGM déclareront l'avoir utilisée, même s'ils ont eu recours à des techniques de mutagenèse dirigée telles que CRISP-Cas9. Ils ne courront aucun risque vu que, en dehors de la réglementation OGM, aucune réglementation ne permet de vérifier la technique d'obtention des variétés commercialisées et que, de plus, la Commission européenne s'est toujours opposée à la mise en place des procédures d'identification et de distinction des nouvelles techniques de modification génétique utilisées. Certaines entreprises comme CIBUS[3] ont déjà utilisé ce stratagème pour commercialiser leurs variétés rendues tolérantes aux herbicides.
Au-delà des risques pour la santé et l'environnement qui ne sont plus à démontrer, notamment pour les variétés rendues tolérantes à un herbicide qui sont intrinsèquement associées à des herbicides, une telle brèche dans la réglementation OGM permettrait aux brevets des quatre sociétés multinationales qui contrôlent déjà près de 60 % du marché mondial des semences[4] d'envahir le marché européen avec leurs OGM brevetés et de contrôler ainsi l'ensemble de la chaîne alimentaire, au détriment de la liberté de choix des consommateurs et du droit des paysans d'utiliser et d'échanger leurs propres semences.
Les organisations requérantes[5] contestent fermement le raisonnement de l'avocat général qui refuse de répondre aux questions préjudicielles posées par le Conseil d'État et préfère s'appuyer sur des travaux scientifiques ne tenant pas compte des plantes réellement cultivées et consommées, ni de la définition des OGM arrêtée par le législateur qui concerne des plantes entières. Ces travaux scientifiques ne regardent en effet que la description numérique sur l'écran d'un ordinateur de certains gènes modifiés. Or les paysans ne cultivent pas des gènes isolés, les consommateurs n'en mangent pas et la réglementation ne concerne pas non plus des gènes isolés, ni leur description numérique, mais des organismes entiers contenant des dizaines de milliers de gènes.
Les centaines d'autres modifications génétiques dites « non intentionnelles » artificiellement provoquées par toutes les techniques génétiques génèrent tout autant de risques pour la santé et l'environnement que la seule modification du seul gène revendiqué. Elles ne peuvent pas être évacuées au seul prétexte que quelques rares mutations peuvent se produire naturellement au cours de la vie de ces mêmes organismes.
Il est pour le moins étonnant que l'avocat général, après avoir dit qu'il voulait éviter de s'attaquer au débat scientifique, s'en tienne pour interpréter la réglementation à un raisonnement scientifique qui, de plus, ne concerne pas l'objet auquel s'applique cette réglementation, la sécurité avérée des organismes génétiquement modifiés disséminés dans l'environnement et non celle de la seule description de gènes isolés au laboratoire.
Les organisations requérantes espèrent que la CJUE reviendra à l'application stricte de l'intention du législateur qui n'a jamais voulu exempter de la réglementation OGM les plantes obtenues par de nouvelles techniques de modifications génétiques apparues et développées dans les années 1990 en même temps que les plantes transgéniques qui sont incontestablement des OGM réglementés.
[2] Affaire C-688/21 | Confédération paysanne et autres (Mutagenèse aléatoire in vitro)
[4] Bayer, Corteva, Syngenta et BASF.
[5] Confédération Paysanne, Réseau Semences Paysannes, Amis de la Terre, Vigilance OGM et pesticides 16,
Vigilance OG2M, CSFV49, OGM Dangers, Vigilance OGM 33, Fédération Nature & Progrès
En téléchargement :
Le communiqué de presse commun