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CAMPAGNES SOLIDAIRES
07.03.2017

Lactalis, l’ogre qui s’assoit sur les droits des paysans

Tous les mois découvrez un article de Campagnes Solidaires. Ce mois-ci, un article sur Lactalis, le géant du lait qui écrase les producteurs.



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La rupture unilatérale par Lactalis des contrats le liant avec cinq de ses producteurs de lait illustre l'urgence de constituer des organisations de producteurs indépendantes des laiteries pour défendre des éleveurs et des éleveuses fragilisés par la mauvaise mise en œuvre de la contractualisation en France.

Lactalis a toujours eu une politique d'approvisionnement basée sur une forte dépendance des producteurs, « engagés dans la politique d'entreprise » (tanks mis à disposition, groupements de producteurs « maison »…). La contractualisation mise en place en 2012 avec celle du Paquet Lait européen a accentué l'asservissement des producteurs et leur dépendance économique vis-à-vis de leur laiterie. Lactalis, connu pour sa politique dure envers ses propres salariés, en profite pour inclure des clauses abusives dans les contrats, dont celle portant sur l'interdiction d'atteinte à l'image de l'entreprise.

C'est sur cette base que Lactalis a signifié fin janvier à cinq producteurs qu'il mettait fin à leur collecte après que ceux-ci ont témoigné des pratiques de l'entreprise dans un reportage diffusé dans l'émission Envoyé Spécial (France 2, le 13 octobre 2016) qui enquêtait sur l'empire Lactalis et son PDG Emmanuel Besnier. « S'il vous appartient d'être en désaccord avec notre politique d'approvisionnement lait, celle-ci reste cependant de notre ressort et ne peut en toute hypothèse faire l'objet d'un tel dénigrement », peut-on lire sur un courrier  « explicatif » envoyé à l'un des éleveurs. Un préavis de douze mois est donné aux cinq producteurs concernés.

« Quel avenir pour la défense des producteurs dans ce contexte-là ? », s'interroge la Confédération paysanne (1), estimant qu'il « serait temps d'entendre enfin nos demandes pour des organisations de producteurs qui défendent et protègent réellement les paysans ». Suite à la diffusion du reportage d'Envoyé spécial Emmanuel Besnier a également dénoncé des « attaques injustifiées » et une atteinte à sa vie privée (images de son château dans la Mayenne), lançant depuis plusieurs procédure devant les tribunaux, dont deux au fond restant à traiter (2). Les cinq producteurs ont quant à eux trouvé une solution : ils seront collectés par la laiterie Saint-Denis L'Hôtel (LSDH) et leur lait sera commercialisé sous la marque «  C'est qui le patron ? ». Ils profitent au passage d'une meilleure rémunération de leur lait.
Mais l'épisode de leur rupture de contrat par Lactalis reste grave. Rappelons que le prix payé par la firme en 2016 a été excessivement bas, calé au centime près avec celui du géant « coopératif » Sodiaal (3), montrant par la même occasion l'inefficacité des actions menées à la fin de l'été 2016 contre l'usine de Laval, siège de Lactalis, dont la Fnsea a salué l'issue des négociations qui en résultait (4).

La Confédération paysanne a de son côté porté plainte en 2016 dans une dizaine de départements pour extorsion contre plusieurs laiteries, dont Lactalis. L'iniquité des contrats laitiers actuels ne fait aujourd'hui plus de doute : harcèlement moral, abus de dépendance économique, entrave à la liberté syndicale… Mais dans les campagnes, le mal est fait. La quasi-totalité des producteurs livrant à Lactalis n'ose plus s'exprimer. Sans revenus, sans perspectives d'avenir, de plus en plus isolés, on leur retire maintenant la liberté de parole et d'action.
L'enseignement à tirer de ces agissements de Lactalis est l'urgence de remettre des systèmes de régulation des marchés laitiers et des mécanisme de répartition des richesses à tous les niveaux, par l'implication renouvelée des pouvoirs publics. Le désengagement des pouvoirs publics est en effet la première cause des pratiques de telles entreprises multinationales .



Victor Pereira,
animateur national du pôle « laits »

 


Le leader mondial des produits laitiers

Lactalis a construit sa fortune avec le lait des producteurs français. C'est le 19 octobre 1933 qu'André Besnier commence la fabrication de ses premiers fromages à Laval, avec un salarié. En 1968, le camembert Président est lancé, déjà sous la présidence de Michel Besnier, fils d'André. Besnier acquiert Lactel en 1984 puis le groupe Bridel en 1990 et Roquefort Société en 1991. La société Besnier devient le groupe Lactalis en 1999. En 2000, l'actuel PDG Emmanuel Besnier prend la succession de son père. Puis, c'est le boom à l'international : rachat en 2006 du groupe italien Galbani (2 milliards d'euros), création d'une coentreprise avec Nestlé pour les yaourts et desserts laitiers frais (marques La Laitière, Sveltesse, Flanby…), rachat du fabricant suisse Baer en 2008, acquisitions majeures en Espagne en 2010 (Forlasa, Puleva et Sanutri). En 2011, Lactalis devient le leader mondial des produits laitiers en prenant le contrôle du géant italien Parmalat. Puis les rachats d'entreprises se poursuivent aux quatre coins du globe (Tirumala Milk en Inde, AK Gida en Turquie, Brésil, Mexique, Europe de l'Est…) tout en consolidant sa place dans les AOC* normandes avec l'acquisition de Graindorge en juin 2016.

 


(1) Communiqué de presse du 30/1
(2) Une assignation en atteinte à la vie privée et une plainte en diffamation
(3) L'Eleveur Laitier, janvier 2017
(4) La Fnsea, la FNPL* et Jeunes Agriculteurs affirmaient lors de leur communiqué suite à leur action que « le combat légitime des producteurs de lait a fini par payer »

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