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PESTICIDES
01.07.2019

Ecophyto ou le verdissement des pesticides

01.07.2019 -
Témoignage de Franck Sarda, paysan dans la Loire.

J'ai sous les yeux un prospectus récupéré sur le comptoir de vente de la coopérative agricole locale. Il est de couleur verte et je suppose que ce n'est par hasard. Il est écrit en gros sur la première page : «Des phytos hors la loi, ce n'est pas pour moi !», et juste en-dessus :  « Ecophyto : réduire et améliorer l'utilisation des phytos ».  
La page qui suit détaille les dangers que représentent « l'utilisation de substances actives non autorisées ou de produits interdits » pour l'agriculteur,  le consommateur et l'environnement. Tout ceci est si bien énoncé qu'on en croirait presque que les pestici… pardon, les produits phytosanitaires autorisés, ne sont quant à eux pas du tout dangereux !  Vient ensuite un  rappel de la réglementation qui peut se résumer par le titre de l'une des rubriques : «Tout usage non autorisé est interdit ». Une mise en garde digne des meilleures lapalissades !
Puis sont énoncés les  «dix réflexes pour sécuriser l'achat et l'utilisation des produits phytos ». Le numéro 2 : «Etre titulaire du certiphyto ». Pour être moi-même titulaire de ce  «permis » je peux dire que durant les trois jours de formation, j'ai appris  beaucoup de choses en discutant avec les autres participants, notamment sur les pratiques irresponsables de certains et je crains qu'en ce domaine, aucun enseignement ne puisse venir à bout de tant de bêtise. Le fait est que, même bien instruit et renseigné, l'utilisateur fait ce qu'il veut des recommandations dès lors qu'il ouvre ou fait ouvrir un bidon de pesticides…
Le prospectus nous parle ensuite de la fraude, nous recommande d'être vigilants et de nous assurer d'être dans les règles (1).
Pour finir, on nous conseille un site internet (2) et un numéro de téléphone pour le cas où on aurait des questions ou un doute et afin de «sécuriser vos achats de produits phytosanitaires ».
La proposition tombait bien car la lecture  du document avait fait naître en moi un doute quant à la probité  de son contenu et  quelques questions m'étaient venues à l'esprit...  Je saisissais aussitôt mon téléphone et composais  le 08.05.53.25.32 trois fois de suite ; chaque fois, un message enregistré m'invita poliment à renouveler mon appel, toutes les lignes étant occupées.
Les jours qui suivirent, je tentais à nouveau ma chance, sans plus de réussite. Admiratif devant le succès de l'initiative qui voyait ses lignes téléphoniques autant sollicitées, je me promettais de rappeler à nouveau. Ce que je fis le lendemain, puis les jours suivants. Chaque fois que je passais près du téléphone je composais le numéro, vite connu par cœur. C'était devenu un jeu ! J'ai même essayé la nuit en me disant que le standard était peut être accessible 24 heures sur 24 pour faire face à l'abondance des appels et j'entendis alors un autre message m'informant des horaires d'ouverture uniquement en journée (3). Entre le 29 janvier et le 22 mars, soit pendant près de deux mois, j'ai composé plus de cinquante fois le numéro - durant les horaires d'ouverture du standard - sans que jamais personne ne réponde !
Bien avant cet épisode, je soupçonnais déjà que l'opération Ecophyto était un fallacieux coup de com car jamais aucune mesure réellement contraignante n'a été mise en place pour atteindre l'objectif annoncé :  la réduction de l'utilisation des pesticides de 50% entre 2008 et 2018. Les pesticides sont toujours disponibles à souhait et celles et ceux qui les vendent sont  toujours conseillers et prescripteurs. Durant cette période, leur «consommation » n'a pas été réduite, mais a au contraire augmenté ! Pour ne pas perdre  la face, le délai pour atteindre le but a été reporté à l'an 2025. Le reporter aux calendes grecques ne serait pas apparu plus ridicule ou burlesque.
Nous sommes habitués à ce genre de mascarade et celle-ci ne serait qu'une de plus à ranger parmi les autres si le sujet n'était pas si préoccupant. La volonté politique de paraître dépasse trop souvent celle de faire.  Il est facile pour des « décideurs politiques » de mettre en place un programme ambitieux sur dix ans sachant  qu'ils ne seront plus là (ou du moins plus au pouvoir ou à la même place) à cette échéance et qu'ainsi ils pourront se dédouaner de l'insuccès de leur initiative. Ils pourront même en faire porter l'échec par leurs successeurs qui, pour leur défense, mettront en avant l'irréalisme de la mesure ! Ainsi les problèmes demeurent, perdurent et s'amplifient.
Qui aujourd'hui se souvient de celui qui le premier a imaginé le plan Ecophyto ?...  Il est bien regrettable qu'on ne lui demande pas des comptes. Pour le châtier, il conviendrait de le conduire de force devant ce téléphone qui ne répond jamais…


(1) «Sanctions pouvant aller jusqu'à sept ans d'emprisonnement et 750 000 euros  d'amende ».
(2) www.info-phytos.fr
(3) 8h à 20h du lundi au vendredi et 9h à 18h le samedi.

                                                            
PS : Au bas de la dernière page du prospectus s'exhibent les logos des parrains financeurs. On y trouve sans surprise la Fédération du négoce agricole et l'UIPP*,  le lobby des fabricants de pesticides...

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