Home > Actualités > Le commerce au mépris du droit international
Partager sur :
FRUITS ET LÉGUMES
21.01.2020

Le commerce au mépris du droit international

Serres de production légumière et bassin d'alimentation en eau au Sahara Occidental. Le surfaces en production de légumes dans le pays seraient passées de 588 hectares en 2008 à 2000 hectares pour une production destinée à l'exportation qui devrait atteindre 160 000 tonnes en 2020.

Le respect du droit international ne semble pas être le premier souci de la Commission européenne: chronique d’une dérive où la facture arrive chez les maraîchers.

1975 : l'Espagne, puissance colonisatrice du Sahara Occidental, se retire. Le Maroc se déclare immédiatement puissance souveraine sur ce territoire et ses 300 000 habitant·es. La communauté internationale refuse cet état de fait mais laisse se dérouler une guerre entre le Maroc et le Front Polisario, résistant au colonisateur. Le résultat de ce laisser-faire international provoque le massacre de 10 % de la  population et le déplacement de 150 000 Sahraoui·es dans des camps où ils vivent toujours. Le pays est séparé par un mur et le peuple autochtone n'a plus qu'un petit accès à l'océan.

2000 : signature d'un accord de libre échange entre l'Union européenne et le Maroc qui voit le développement de zones maraîchères par des entreprises étrangères au Sahara Occidental, irriguées à partir de nappes phréatiques. Il s'accompagne de l'arrivée massive de travailleurs marocains ; le peuple sahraoui est à nouveau spolié.

En 2010, l'accord est amplifié en total déni du droit français, européen et international sur le territoire colonisé : les tomates, concombres, melons illégaux arrivent détaxés sur nos étals.

2012 : la Confédération paysanne demande au tribunal de Tarascon (Bouches-du-Rhône) de faire saisir des documents de la société Idyl, basée dans le secteur, montrant que des sociétés (notamment) françaises importent des légumes de manière illégale du Sahara Occidental : le droit international interdit l'exportation de fruits ou légumes sous le sceau d'une puissance colonisatrice. Mais la France et l'UE* laissent faire pour ne pas contrarier le libre-échange et le roi du Maroc.

Parallèlement, le Front Polisario porte plainte pour dénoncer l'accaparement des terres sahraouies et le pillage des ressources en eau : il gagne auprès du tribunal de l'UE*. Suit un appel du Maroc, mais la décision est confirmée par la Cour de Justice européenne.

L'UE*, poussée par la France et l'Espagne, pays où les paysan·nes souffrent particulièrement des importations détaxées, réalise un semblant de concertation avec le Front Polisario afin de poursuivre son déni du respect du droit. Cette farce ne devrait pas durer très longtemps. Mais les tomates, détaxées, arrivent toujours et le peuple sahraoui vit toujours dans des camps de réfugiés ou derrière un mur particulièrement bien miné.

En droit international, il faut savoir être patient. Une action dure facilement dix ans, particulièrement à une époque où la jurisprudence contribue fortement à construire ce droit.

Nous savons aujourd'hui que plusieurs entreprises, souvent françaises, expédient en Europe leurs légumes illégaux mais aussi indûment détaxés. Après le jugement de la Cour de Justice européenne et avec les éléments que nous avons recueillis, nous poursuivons notre action en laissant le Front Polisario agir sur le fond du dossier, en qualité de seul représentant légal reconnu du peuple sahraoui.

La Confédération paysanne, dans son rôle de défenseur des paysan·nes, demande maintenant au tribunal de grande instance de Tarascon des dommages et intérêts à la société Idyl, au regard de l'importation en France de légumes illégaux et détaxés. Le syndicat réfléchit aussi à d'autres actions qui pourraient inciter l'Etat français à stopper son aveuglement sur l'importation de légumes cultivés au Sahara Occidental : la « patrie des droits de l'Homme » perd ses valeurs au profit de modèles agricoles et commerciaux destructeurs.

Nous devons continuer d'attaquer ces accords de libre-échange par tous les moyens à notre disposition. Chaque fois que l'un d'entre eux tombera totalement ou partiellement, les peuples et la planète reprendront espoir.

 

André Bouchut,
paysan dans la Loire,
représentant de la Confédération paysanne au conseil d'administration d'Interfel,
interprofession des fruits et légumes


Crédits photos : Western Sahara Resource Watch
POUR ALLER PLUS LOIN
TROUVEZ UNE CONF'
CAMPAGNES SOLIDAIRES
NOUS CONTACTER Mentions légales
Copyright 2018 - Tous droits réservés - Confédération paysanne
104 Rue Robespierre, 93170 Bagnolet - Tél +33 1 43 62 04 04