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CAMPAGNES SOLIDAIRES
24.08.2021

Azote de synthèse : sortir de l’overdose

À l’origine de la majorité des transformations que l’agriculture a connues depuis un siècle, avec de spectaculaires augmentations du rendement des cultures, les engrais azotés de synthèse sont néanmoins de redoutables polluants.

L’utilisation d’engrais azotés de synthèse dans les champs a permis des augmentations significatives de rendements des cultures. Mais sa généralisation et sa systématisation a aussi bouleversé l'agriculture et causé de graves dégâts. Une nouvelle réglementation est urgente.

C'est dans les années 1900 que le chimiste allemand Fritz Haber a réussi à fixer l'azote de l'air. Cette découverte fit le bonheur des marchands de canons avant d'être utilisée dans l'agriculture. L'effet dans les champs sur les rendements des cultures fut immédiat, et l'utilisation de l'azote de synthèse se généralisa rapidement, permettant la spécialisation en céréales des régions de plaine qui pouvaient faire dorénavant sans le fumier des élevages.

Tout comme nos aïeux, nous aurions été séduits par cette nouveauté, d'autant qu'à l'époque personne ne supposait qu'elle aurait des conséquences désastreuses. Aujourd'hui, nous ne pouvons plus ignorer les dégâts causés par l'utilisation massive d'engrais azotés de synthèse. Les plantes ne sont pas en capacité de pouvoir absorber la surfertilisation chronique qui s'est généralisée.
Ces dégâts sont multiples  : premier des coûts énergétiques de l'agriculture, fragilisation des plantes dopées qui nécessite l'usage de fongicides, eutrophisation des cours d'eau qui menace la vie aquatique en la privant d'oxygène (algues vertes...), augmentation des taux de nitrates dans les eaux souterraines dont certaines ne sont plus considérées comme étant potables, recombinaison dans l'air de l'ammoniac, une des principales sources de particules fines (1), production de protoxyde d'azote qui a lui seul représente 41 % des gaz à effet de serre émis par l'agriculture (2), catastrophes industrielles sur les sites de production et de stockage (usine AZF à Toulouse, en 2001, ou en 2020 à Beyrouth)… La liste est longue.

Voilà pourquoi la commission « climat » de la Confédération paysanne s'est saisie de cette question et suggère que l'épandage d'azote soit limité et réglementé. Le temps de la surfertilisation doit être impérativement révolu, d'autant qu'elle coûte en vain à l'agriculture : les quelques unités d'azote qui sont souvent apportées pour augmenter inutilement les taux de protéines ne peuvent pas être valorisées, et ce sont ces dernières unités qui sont les plus dangereuses.
Nous proposons un plafond pour l'azote total, de synthèse et organique. Un plafond de 170 kilos par hectare existe déjà dans la directive « nitrates » européenne mais, curieusement, il ne concerne que l'azote organique. Ce plafond doit être légèrement inférieur à ce que la plante doit pouvoir absorber dans une année normale, de façon à prévoir les mauvaises années qui sont celles pour lesquelles le risque de surfertilisation est le plus important. La production de céréales n'en sera que très peu affectée puisque ce sont les premières unités qui sont correctement valorisées.  

A partir d'un chargement minimum sur une ferme, la fourniture d'azote organique issue de l'élevage devra bien évidemment être pris en compte. Ce plafond reste encore à déterminer mais devrait tourner autour des 140 kilos par hectare.
Cette nouvelle réglementation viendrait en lieu et place de la directive « nitrates », complexe et inefficace. Le plafond proposé imposerait aux élevages hors-sol de trouver davantage de surfaces de cultures pour l'épandage et cet azote organique ne serait plus un polluant mais une richesse. Ce plafond encouragera aussi à des rotations plus longues et plus diversifiées, avec davantage de légumineuses...
Nous avons cette responsabilité de tout mettre en œuvre pour produire sans détruire.

Olivier Lainé,
paysan en Seine-Maritime

 


(1) L'Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que l'exposition à ces particules a causé environ 4,2 millions de morts prématurées dans le monde en 2016. L'ammoniac est aussi généré par l'élevage hors-sol.
(2) Le protoxyde d'azote à une durée de vie dans l'atmosphère d'environ 120 ans (15 ans pour le méthane), sans compter que ce gaz détruit la couche d'ozone.

 

Cet article est issu du numéro 374 de Campagnes Solidaires, le mensuel de la Confédération paysanne.

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