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LAIT
14.01.2019

Faire reconnaître l’extorsion du travail des producteurs laitiers

La Confédération paysanne étudie les combines de Lactalis pour maximiser ses profits au détriment des éleveuses et des éleveurs qui lui fournissent leur lait. Cette étude s’inscrit dans un travail de longue haleine pour défendre le revenu des productrices et des producteurs laitiers, démarré avec les plaintes pour extorsion déposées dans les départements en 2015.

La Confédération paysanne avait manifesté le 22 février 2018 devant le tribunal de grande instance de Laval – ville où se trouve le siège de Lactalis - pour exiger la publication des comptes et une enquête sur les filiales de l'entreprise. Face à l'inaction des pouvoirs publics, politiques et judiciaires, le syndicat a poursuivi son travail d'enquête sur l'extorsion réalisée par le groupe industriel du travail des producteurs laitiers.
Sous la pression, Lactalis a publié une partie de ses comptes. Mais pas la plus importante, bien sûr : la structure centrale du groupe agro-industriel, Besnier SA (SA), n'a à ce jour toujours pas publié ses comptes. Et pour cause : BSA France détient à 99,99% la holding belge BSA International qui, elle-même, est « couverte » par Nethuns, l'habillage juridique de la fiduciaire luxembourgeoise, véritable clé de voûte d'un système bien huilé d'évasion fiscale. La Confédération paysanne met donc en œuvre tous les moyens à sa disposition pour assigner Lactalis à la publication des comptes de BSA France.
Lactalis s'appuie sur le mode de facturation qu'il impose aux éleveuses et aux éleveurs, symbole de la dépendance économique de ces producteurs fournisseurs, et sur le délai de paiement correspondant, créant des dettes et créances fictives pour abonder ses caisses.
La Confédération paysanne avait saisi en août 2017 le médiateur des relations commerciales agricoles sur les contrats laitiers, notamment sur le point qui, dans les contrats de Lactalis, lie le mandat de livraison au mandat de facturation. Dans la loi adoptée le 2 octobre 2018 résultant des Etats généraux de l'alimentation, le syndicat paysan se réjouit d'avoir obtenu (article 1) la dissociation de ces deux mandats : « Dans tous les cas, l'établissement de la facturation fait l'objet d'un mandat écrit distinct et qui ne peut être lié au contrat. »
C'est un premier pas de déconstruction de l'édifice orchestré par Lactalis en défaveur des productrices et producteurs laitiers français. Mais cela reste très insuffisant, d'où la poursuite du combat syndical.
Lors de l'ouverture du Space* (salon des productions animales, à Rennes le 11 septembre 2018, la Confédération paysanne a dénoncé « le manque de transparence et de partage de la valeur » sur le stand de Lactalis. L'occasion de confirmer que la firme ne bougerait pas en l'absence de contrainte législative, notamment sur la prise en compte des coûts de production.

Le combat mené par la Confédération paysanne est essentiel car l'argent mobilisé par Lactalis dans les montages d'évasion fiscale lui permet de conforter sa position dominante à travers des achats continus d'entreprises laitières, notamment dans les zones AOC* telles que celle du camembert ou du roquefort. En position de quasi-monopole sur ces produits, la firme peut alors peser de tout son poids au détriment de l'intérêt des productrices et des producteurs. Cette puissance financière aiguise sans cesse l'appétit de l'ogre, actif dans 47 pays : en janvier 2018, Lactalis annonçait l'acquisition de Siggi's, une entreprise américaine spécialisée dans les yaourts. En septembre, la firme achetait les activités de nutrition infantile d'Aspen Pharmacare pour 864 millions de dollars. En octobre, elle informait de l'achat des activités malaisiennes de Nestlé pour 40 millions de dollars... De quoi soutenir la fortune de la famille Besnier, seule propriétaire de Lactalis, estimée à... 12 milliards d'euros ! (1)

La Confédération paysanne s'est procuré des éléments d'approfondissement des montages fiscaux de Lactalis. Au vu de la nature des éléments collectés, elle a décidé de saisir le parquet national financier afin qu'il enquête en toute indépendance pour faire la lumière sur les circuits d'évasion fiscale suivis par la firme. Il s'agit d'analyserle plus finementpossible le système mis en place pour spolier les éleveuses et les éleveurs laitiers. Une des missions centrales du parquet est de lutter contre l'évasion et la fraude fiscales : la Confédération paysanne fait pleinement confiance en la justice pour que la loi soit respectée par tous.

Victor Pereira

 

(1) Eric Tréguier, « les 500 fortunes », Challenges,‎ 15 novembre 2018, p. 103

 

Quelques chiffres-clés :

·    Au moins 500 000 emplois paysans ont été détruits en 35 ans dans la production laitière française, soit plus de 100 000 emplois supprimés correspondants à la collecte de Lactalis (+ de 20% du marché), loin du nombre des 15 000 emplois salariés du groupe en France.
·    Lactalis reçoit des fonds publics - à hauteur de 20,9 millions d'euros en CICE (2015) et de 21,5 millions d'euros de la PAC* (2016) - qui contribuent bien plus à l'augmentation des profits du groupe – optimisés par des montages fiscaux opaques - qu'à l'emploi et à la rémunération des producteurs.
·    Preuve d'un enrichissement au détriment de la rémunération des producteurs : les capitaux propres de la fiduciaire luxembourgeoise Nethuns ont été multiplié par 2225 entre 2015 et 2016 en pleine crise laitière, passant d'environ un million d'euros à 2,225 milliards d'euros.
·    Pour donner un ordre de grandeur, les profits remontés durant la crise laitière sont équivalents à une année entière de paiement du lait à 40 centimes le litre pour l'ensemble des producteurs Lactalis en France !
·    Si on ramène ces profits à l'ensemble de la collecte laitière de Lactalis dans le monde (un peu plus de 18 milliards de litres), cela aurait permis un supplément de 12 centimes le litre payé en 2015/2016 sur tous les litres de lait collectés par l'entreprise.
 

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